L'aquarelle est l'une des techniques les plus difficiles et les plus séduisantes à laquelle se sont attachés les grands peintres du XXème siècle.
Aquarelle à la lampe blanche 1982 Aquarelle de juxtaposition, les blancs jouent avec les couleurs, ils font partie du pouvoir suggestif. |
Il peint là le clocher de l'église de Cesny depuis le verger de sa maison |
Deux conceptions, deux écoles se côtoient.
La 1ère est l'aquarelle par juxtaposition. Ainsi Cézanne, Dufy, Signac juxtaposent leurs touches
de couleurs en laissant jouer entre elles le blanc du papier. Sans même recouvrir toute la feuille, ils suggèrent en quelques
teintes et rapports de tons, le motif qui les a charmés.
La 2ème est l'aquarelle par superpositions. Pour les utilisateurs de cette technique tels que
Dunoyer de Segonzac, Rouault, Utrillo, Vlaminck... l'aquarelle reste un tableau mais peint à l'eau. Ils laissent sécher leurs
premières couleurs et ils en superposent d'autres pour donner de la consistance à leur oeuvre, certains ajoutent même de la gouache,
il n'y a plus de blancs.
Dans le premier cas, l'aquarelle est fluide et transparente, elle procure la jouissance de l'instantané. Elle est peinte en
moins d'une heure, d'un jet, elle ne tolère ni corrections ni repentirs. Dans le deuxième cas, elle gagne en intensité
mais elle perd en transparence.
André Lemaitre se rattache à la première école, mais il va plus loin, il juxtapose les couleurs et il fait jouer
les blancs. Pour lui, les blancs font partie des conditions du pouvoir suggestif, ils se colorent tout seuls par leur
jeu savamment dosé. Il n'y a ni anecdote ni détail, il suggère plus qu'il ne montre et il fait sienne cette pensée
de la Rochefoucault :
"Il y a de belles choses qui ont plus d'éclat quand elles sont imparfaites
que lorsqu'elles sont trop achevées".
René et Claudine Piquemal Bel
Aquarelle à la lampe blanche 1982 Aquarelle de juxtaposition, les blancs jouent avec les couleurs, ils font partie du pouvoir suggestif. |
Photo d'André Lemaitre dans son atelier |
Bissières 70x92cm gouache |
Si les peintures à l'huile d'André Lemaitre sont bien connues, ses oeuvres sur papier restent à découvrir.
Il a pratiqué le lavis, l'aquarelle et la gouache tout au long de sa vie mais les exposaient peu, les gardaient
cachés comme autant de trésors réservés au cercle de famille et aux amis proches.
Peut-être jugeait-il, probablement avec raison, que les acheteurs de ses oeuvres privilégiaient les huiles
sur toile ou sur panneau aux dessins, fussent-ils colorés comme le sont les gouaches et les aquarelles.
Bienheureux les collectionneurs qui ont su les apprécier à temps et mettre la main sur certaines de ces oeuvres
dont beaucoup sont de pures merveilles.
Aujourd'hui, vingt ans après la mort du peintre, la ville de Falaise a choisi de mettre à l'honneur les gouaches
d'André Lemaitre.
Mais comment situer la gouache dans la peinture de Lemaitre ? Avant de réppondre, commençons par la distinguer
de l'aquarelle.
Tout comme l'aquarelle, la gouache est une peinture où les pigments sont liés par de l'eau et de la gomme arabique.
Mais, à la différence de l'aquarelle, qui produit un effet de transparence, la gouache est opaque. Ceci est dû
à une plus grande concentration de pigments et à l'ajout d'agents épaississants comme le blanc de craie.
André Lemaitre, dont la peinture dégage une impression de puissance, ne pouvait la transcrire complètement
dans ses aquarelles compte tenu de la fluidité de ce médium. Il a donc décidé de réaliser quelque chose de
différent en renforçant l'aspect délavé que donne l'uitilisation de l'aquarelle et en ne couvrant pas de larges
parties du support, le blanc ainsi laissé accentuant l'intensité lumineuse de l'oeuvre achevée.
Par contre, grâce à son opacité et à son pouvoir couvrant, la gouache permettait à André Lemaitre d'exprimer
toute sa puissance. En ce sens, elle est - dans l'esprit - proche de son oeuvre à l'huile.
Ses gouaches ne sont, cependant, jamais des "brouillons" de futures peintures à l'huile mais des oeuvres à
part entière. A. Lemaitre aimait dire, qu'en dehors du support et de la technique employés, elles ne devaient
pas être regardées d'une façon différente de ses "huiles", la vitre qui les protège ne devant pas être
considérée comme un obstacle. A ses yeux, une gouache valait une huile.
Dans la partie de cette exposition consacrée aux gouaches, tous les thèmes chers à Lemaitre sont abordés :
le paysage, la nature morte, le portrait. Puisse-t-elle faire découvrir au public, et peut-être même à
beaucoup de connaisseurs de la peinture d'André Lemaitre, un autre aspect remarquable de son oeuvre.
Hugues DEXANT
L'église de mon jardin 1968 50x65cm gouache |
Paysage vert 1968 50x65cm gouache |
Audierne 1967 50x65cm gouache |
Figure 1971 65x50cm gouache |
Femme songeuse 1972 65x50cm gouache |